Je me suis longtemps posé la question suivante : comment développer mon phrasé sans emprunter le style des improvisateurs célebres, et sans pour autant tomber dans le dodécaphonisme autosatisfait, car je hais Boulez....
Bien entendu il ne faut pas renier une certaine forme de filiation saine, et il faut bien reconnaitre qu'à ce titre j'ai toujours l'impression d'être un débutant quand j'écoute Pat Metheny ou John Abercrombie , ... et en plus ce n'est pas une impression...
Ceci dit, dans cette queste aussi distrayante qu'inutile vu le chemin qu'il me reste à parcourir, j'ai identifié quelques techniques qui me semblent pertinentes (en fait elles le sont probablement car on me l'a confirmé plusieurs fois).
Je souhaite aussi préciser que pour moi l'harmonie est comme la physique : ca n'est pas "la réalité" , ca "décrit la réalité" . C'est un ensemble de modèles qui tentent d'expliquer comment la musique fonctionne, si tant est que la notion de "fonctionner" s'applique à la musique. Donc il peut y avoir des modèles différents, et aucun d'entre eux n'est "meilleur" dans l'absolu, certains sont éventuellement plus ou moins utiles. Tant qu'un modèle ne contredit pas les autres et a son utilité pour comprendre, entreprendre ou apprendre, il a sa place.
Ce qui suit n'est ni génial , ni totalement nouveau, et tant mieux car ca serait du suicide de contredire ce qui est accepté et qui fonctionne.
Revenons au sujet ! L'une des questions que je me suis posé est "quelles notes enrichissent systématiquement le jeu si elles sont accentuées?"
Les degrès de la gamme diatonique ne sont pas égaux entre eux (on peut s'en rendre compte de facon scientifique en analysant les rapports de fréquence, mais j'ai horreur de cette approche froide). En fait il est accepté que la fondamentale (I) et la dominante (V) s'entendent plutôt bien : elles ne frottent pas. A ce couple on ajoute la tierce, qui frotte un peu plus avec la fondamentale, mais tres peu, et qui joue un role important puisqu'elle détermine la couleur majeure ou mineure dans la grande convention diatonique. On a donc un groupe de 3 notes que notre oreille est habituée à entendre ensemble, ce qui a pour conséquence qu'on les nomme triade parfaite.
En effet, deux phénomènes conduisent notre oreille à considérer un intervalle consonnant : la nature de l'intervalle (dixit : fréquences) et l'habitude auditive, enfin du moins je crois... Dans une civilisation ou la musique serait basée sur le triton, cet intervalle serait probablement considéré comme consonnant (d'ailleurs les jazzophiles sont plus tolérants au triton que les affictionados de Céline Dion).
Donc revenons aux degrés diatoniques et voyons avec quels degrès la triade de base frotte : la septième frotte clairement avec la fondamentale, la quarte frotte clairement avec la tierce. A mon oreille la seconde ne frotte pas particulièrement, de même que la sixte.
Donc si on établi une hierarchie simple à 4 niveaux des notes en fonction de la tension qu'elles introduisent dans le jeu, on a :
1) I III V <- aucune tension
2) II VI <- tension tres légère
3) IV VII <- tension
4) chromatisqmes <- tension forte
Maintenant qu'on a un modèle, essayons de lui trouver des applications, des vérifications, et des limites.
Applications :
1) Eviter les degrès IV et VII pour conclure une phrase. les degrès IV et VII, du fait de la tension qu'ils introduisent, ne sont pas "conclusifs" ! La gamme pentatonique est amputée de ces 2 degres, ce qui la rend facile à utiliser pour l'improvisation, on peut s'arrêter sur toute note de la gamme pentatonique sans créer une sensation d'inachevé. La IV et la VII sont des notes de passage (essayez de conclure vos phrases avec des quartes et des septièmes, vous verrez...)
2) Pour sonner "riche" (tendu) , sans jouer "out" , renforcer la densité des IV et VII comme notes de passage, en accentuant l'attaque sur ces degrès "tendus" : ce n'est pas contradictoire avec l'application 1) , c'est un choix de jazzman. Les Bluesmen ont fait un autre choix.
3) Pour sonner très riche, utiliser les chromatismes comme notes de passages. Pour ma part il m'arrive de jouer completement chromatique sur des phrases longues, et de terminer ces phrases sur une note de la gamme pentatonique (ce qui évite de finir sur une quarte ou une septième
)
4) La quarte est un intervalle ambigu du fait de son caractère "tendu" et de sa relation sympathique avec la fondamentale (la fondamentale est la dominante de la quarte). La quarte est également un intervalle assez constant dans l'harmonisation diatonique : elle fait son apparition dans tous les accords de l'harmonisation diatonique, à l'exception de l'accord IV, lydien, précisément ou elle est augmentée. Il semble donc intéressant d'utiliser la quarte comme intervalle de jeu en accords : le résultat est à la fois riche et facile d'utilisation. Résultat : j'utilise la quarte en lieu et place de l'octave sur tous les degrés de la gamme diatonique , sauf un, pour improviser.
Confirmations :
1) Ici on retrouve la notion de "note caractéristique des modes", notion assez commune dans les livres sur le modal.
Les modes diatoniques les plus "colorés" sont Dorien, Phrygien, Lydien et Mixolydien. Qu'est-ce qui donne sa couleur à un mode ? Encore une fois il faut aller chercher du cote des habitudes auditives : ce qui colore un mode ce sont les notes du mode qui diffèrent des deux canons respectifs que notre oreille considère comme "parfaits" : la gamme diatonique majeure pour le majeur, et la mineure relative pour ce qui concerne le mineur.
-> La note qui colore le Dorien est la sixte juste, qui diffère de la sixte bémol de la gamme mineure relative. La sixte de Dorien est la septième de la gamme majeure dont est issu le Dorien.
-> La note qui colore le Phrygien est la seconde bémol, qui le différencie de la gamme mineure relative, et du Dorien qui n'en ont pas. La seconde bémol de Phrygien est la quarte de la gamme majeure dont est issu le Phrygien.
-> La note qui colore le Lydien est la quarte dièse, qui le différencie de la gamme majeure. La quarte dièse de Lydien est la septième de la gamme majeure dont est issu le Lydien en question.
-> La note qui colore le Mixolydien est la septième bémol, qui le différencie de la gamme majeure. La septième bémol de Mixolydien est la quarte de la gamme majeure dont est issu le Mixolydien dont nous parlons.
Ce sont ces notes qu'il est commun de considérer comme les notes à accentuer pour renforcer la "couleur" modale, et on se rend compte que l'on parle toujours des 2 mêmes notes : IV et VII.
Donc dans le jeu modal, les degrés IV et VII jouent un rôle primordial, même si on ne les appelle pas IV et VII car cela reviendrait à jouer tonal puisqu'on prendrait comme référence non pas la fondamentale du mode mais la fondamentale de la gamme majeure dont est issu le mode... ce qui n'est plus modal.
2) Le seul triton diabolique qui se glisse naturellement dans la gamme majeure diatonique est l'intervalle entre la quarte et la septième... tient donc, donc triton, intervalle du diable, trop riche, bani de la musique eclesiastique, ... quarte et septième d'emploi délicat en improvisation, à tel point que le blues les délaisse, mais tellement diaboliquement jouissives quand on s'en sert comme notes de passage, ... coincidence ? ou confirmation ?
Vous l'aurez deviné, les notes actives sont la quarte et la septième
.... à continuer ... corriger ... suite à vos remarques et autres insultes constructives, ... quand j'aurais un peu de temps... avec des schémas et tout et tout
... je vous fais confiance pour trouver les limites
JP